Essai sur le don

Depuis presque 20 ans, j’essaye de faire reposer mon action sur des fondements dont la matière première s’extrait de ce que je crois être mon Humanité. La majuscule signifie qu’elle n’a rien de spécifique. C’est l’Humanité de l’espèce. Ce qui peut être spécifique, c’est ce que j’en connais ou crois en connaître formellement, au gré de mes pérégrinations sur le chemin. Ce pèlerinage que constitue ma vie m’a donc fait à la fois visiter des carrières ou sont portés au jour les matériaux avec lesquels se construit et se consolide une espérance.

Ces carrières ont le plus souvent été mises à jour par : des penseurs ou des acteurs, des artistes ou des artisans, des laïcs ou clercs, des maîtres spirituels ou de simples citoyens. La motivation pour écrire naît de plusieurs sentiments. D’abord celui que les matériaux déjà accumulés, patrimonialement, permettent de fonder une action qui montre que l’on sait bien les assembler. Bien les assembler suppose que l’on a bien compris leurs propriétés respectives et que l’on a aussi compris les règles de leur assemblage. Ensuite du sentiment que l’on a soi-même, au risque de la fatuité, mis à jour une carrière nouvelle dont les matériaux ont des propriétés non encore rencontrées. Enfin, le sentiment qu’avec les matériaux en présence, quelle qu’en soit leur origine et leur inventeur, il existe encore un espace d’invention pour les assembler. La motivation dans cet exercice d’architecte ou d’anatomiste (construisons nous ou reconstruisons nous quelque chose de préalablement démonté) Je ne peux pas passer sous silence une éducation catholique et ce qu’elle m’a elle même donné comme bases pour m’affranchir, en tous cas je l’espère, de ce que cette religion exprime de non universel. D’une expérience de l’action dans ce que l’on appelle la socialité secondaire, je retiens notamment le fait qu’il m’avait fallu trois ans pour passer d’une action fondée pour une part sur la négation de pratiques précédemment vécues et par ailleurs sur un empirisme créateur à une action fondée sur des concepts unifiés et communicables. Si je devais dans un exercice de minimalisme cursif exprimer ce qui me reste, comme conviction de cette période, j’afficherais cette phrase qui est à ma pensée ce que le calcium est aux os : « le soi est maître du soi lorsque mémoire et liberté se font conscience ». Ainsi, la visite de mon humanité et celle des autres constitue t’elle pour moi aujourd’hui un patrimoine sur lequel, ma liberté créatrice, en conscience peut et donc doit, pour ne pas rester au plan de la simple émotion, dégager une pensée unifiée débouchant vers l’action. Réduire à 20 ans la période pendant laquelle je me suis ontologiquement construit est proche de la réalité, tout ce qui précède étant plus dominé par mes dépendances phylogénétiques et plus près ma dépendance familiale. Ces distinctions ne comportent naturellement pas de hiérarchie de valeur entre ces composantes, sauf une hiérarchie chronologique, les dernières ne pouvant s’affranchir de leur dépendance des premières, comme dans le « grand récit » cher à Michel SERRE.

C’est donc un homme qui a visité quelques carrières de matériaux d’humanité qui au fur et à mesure à essayé de construire des édifices plus ou moins vastes. Quelque fois, un simple kern. Ceux qui étaient sur le chemin que lui ont même pu ne pas le voir. D’autre fois un édifice relativement vaste, peut être un peu difficile à entretenir, mais aussi des lieux ordinaires de famille et d’amitié. Par ailleurs, que d’édifices ne sont-ils pas seulement restés en plan dans tous les sens du terme. Depuis 6 ans s’offre à moi l’opportunité de m’exprimer, entre autres, dans le champ de la sociabilité primaire, au travers de mon rôle de président d’une association à caractère caritatif, par ailleurs membre d’une fédération. C’est dans ce cadre, que je ressens le besoin, de poser ma valise, de regarder les souvenirs de voyage que j’ai glané, sur le chemin, de les mettre en ordre, et d’entreprendre une démarche plastique de telle manière que comme les couleurs dans un tableau, ils soient susceptibles, du fait de leur judicieuse et unique association de produire une émotion, puis un sentiment, ce qui en fera un objet d’humanité.