À propos de la fraternité

Si on s’arrête au bout de son nez, on pourra penser que la fraternité est caractérisée par les relations privilégiées qui existent entre des frères de sang. On passera alors sous silence qu’il existe des frères ennemis à l’intérieur d’une même famille. Qu’en est-il alors de la fraternité lorsque l’on s’intéresse à la famille élargie, très élargie qu’est la famille humaine ?

Quelles sont les conditions à réunir pour que les situations privilégiées qui peuvent exister par le biais du sang s’universalisent dans une appartenance plus générale ?

Depuis MASLOW, ce qui est reconnu comme le moteur du comportement des hommes en groupe ; les responsables des ressources humaines ne l’ignorent pas, c’est le désir d’accomplissement. Nous n’allons pas le décrire, mais nous allons rappeler quelques-unes des conditions de sa satisfaction : appartenance, reconnaissance de soi par soi-même et reconnaissance de soi par les autres. Ce sont là les ingrédients de base auquel l’homme va s’accrocher pour exister en tant que personnalité. Produire des signes distinctifs de nature à provoquer des regards nourrissants pour l’égo est à la base de la formation de l’être existentiel. Derrière ce soi-disant accomplissement se cache le piège de l’ignorance. L’ignorance de l’existence de quelqu’un d’autre, de quelqu’un de tout autre dont la découverte ne peut venir que d’une révélation, la révélation de la rencontre avec celui qui n’est rien pour citer Durckheim.

Je dis bien une révélation, c’est-à-dire un passage qui ne doit pas qu’à l’intelligence mise au service de la conscience.

Cet Autre c’est l’être essentiel, c’est la personne, personnalité dégagée de toute sa gangue.

Et la fraternité dans tout cela !

Je la vois poindre derrière l’homme qui ayant rencontré son être essentiel peut s’ouvrir aux autres sans autre risque que de faire, dans l’Autre, la même rencontre. Je la vois s’éloigner avec les personnalités pour lesquelles la rencontre représente un risque d’effondrement si elle sort du cadre sécurisant de la relation ami-ennemi qui permet la vie ou la survie ordinaire.

Mais alors la fraternité existe-t-elle ?

Oui, nous en avons des témoignages :

François d’Assise est pour moi le témoignage toujours vivant.

Et ce mardi, dans le stade de NANTERRE lorsque des milliers de personnes ont observé un silence absolu, sans directives particulières ! Une participante a dit : « ce silence c’est le résultat de la conscience de chacun abandonnée à une conscience unique ».

Ils étaient frères en humanité l’espace d’un instant.

Ces exemples et tout ce qui précède permettent de dire que la fraternité c’est une potentialité, ce peut être un état de grâce, et dans tous les cas c’est une remise en cause.A défaut de la discipline et des pratiques contemplatives qui ouvrent à la révélation de la source d’Amour intarissable, et de ses quelques résurgences sur le Chemin, la vie associative peut être l’occasion de découvrir des personnes.La dimension transformatrice de l’engagement dans un mouvement comme Habitat et Humanisme peut ainsi s’apprécier à l’aune de la fraternité dont quelques fois, il témoigne.

Jean-Claude Millet-4/04/02

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